Puits de tranquillisation
La plupart des observatoires marégraphiques nécessitent l'implantation d'un puits, dit de tranquillisation, communiquant avec la mer extérieure par un orifice situé au-dessous des mers les plus basses, éventuellement prolongé d'un conduit dont la longueur est fonction de la topographie du site.
C'est un dispositif contraignant mais nécessaire à plusieurs titres. Sa finalité première est de filtrer les fluctuations de niveau liées aux vagues, à la houle ou aux seiches afin d'y obtenir une surface horizontale dont l'altitude soit identique à l'altitude du niveau extérieur, moyennée sur un laps de temps égal au temps d'échantillonnage de la mesure. Par ailleurs, la présence d'un puits de tranquillisation permet de mettre à l'abri des intempéries les systèmes de mesures.
Cependant, le système hydraulique constitué par le puits de tranquillisation présente l'inconvénient de ne pas être un filtre linéaire. Aussi convient-il d'examiner les erreurs liées à la réponse interne de ce système en fonction des variations externes du niveau de la mer. Cette question est développée dans l'annexe C de l'ouvrage La marée océanique côtière rédigé par B. Simon (2007).
Autres erreurs liées au puits
Outre l'erreur intrinsèque (indépendante du système de mesure) liée à la nature de la réponse du système hydraulique que représente le puits de tranquillisation, d'autres causes d'erreurs (également indépendantes du système de mesure) ayant des origines diverses peuvent intervenir et introduire un biais dans la réponse. Une obturation partielle au voisinage de l'orifice et dans le conduit liée à l'envasement et les concrétions (liées au développement de la vie marine) sont particulièrement à surveiller.
Elle se traduit initialement par un déphasage sans modification sensible de l'amplitude, est souvent indécelable a priori, mais elle compromet gravement la qualité des mesures avec un rétrécissement progressif avec le temps. En raison de ces problèmes, une inspection et un nettoyage annuels du conduit de communication sont nécessaires.
- Erreurs dues aux différences de densité
La différence de densité entre l'extérieur et l'intérieur du puits représente une autre cause d'erreur qui doit être prise en compte pour les mesures très précises. Au cours d'un cycle de marée, la température et la salinité des eaux côtières peuvent varier de façon importante particulièrement en période estivale et près de l'embouchure des cours d'eau. Le fait que la communication ne s'effectue que par un petit orifice. Le complet renouvellement de l'eau du puits n'est jamais assuré. La communication se faisant au bas du puits, l'eau qui a pénétré à marée montant est souvent plus dense que celle qui est à l'extérieur à immersion égale. Dans le puits, il en résulte alors un niveau plus bas qu'à l'extérieur. Inversement, si l'eau de plus faible densité qui a pénétré dans le puits à marée basse et qui y est retenue (sans pouvoir se renouveler), l'effet contraire se produit : l'eau dans le puits est plus légère et le niveau plus élevé qu'à l'extérieur.
Avec un puits profond d'une dizaine de mètres (grands marnages), un écart relatif du millième sur la masse volumique induit une différence de hauteur du centimètre.
Une autre cause d'erreur, liée aux écarts de densité et souvent méconnue, provient de la condensation de la vapeur d'eau atmosphérique sur les parois de puits profonds et de grands diamètre. Le ruissellement qui s'ensuit crée dans le puits une couche d'eau douce superficielle qui a tendance à s'accroître avec le temps si l'évaporation n'est pas suffisante. Connaissant l'écart relatif des masses volumiques entre l'eau de mer et l'eau douce, l'accumulation d'une couche de 1m d'eau douce dans un puits profond induirait une surcote de 3 centimètres par rapport au niveau de la mer externe.
Ce n'est pas une pratique courante de mesurer la répartition verticale des densités dans le puits d'un marégraphe d'une part et à l'extérieur du puits d'autre part. Il existe cependant des techniques modernes permettant de le faire sans difficulté. Dans les installations destinées à fournir des mesures précises pour des applications scientifiques, cette pratique pourrait être utile, au moins à titre de vérification, en complément des lectures à l'échelle et à la sonde lumineuse.
Dans les estuaires également, des écarts de niveaux liés aux variations de densité se rencontrent d'une manière quasi systématique. Dans une rivière à marée, par exemple, la densité de l'eau du puits est inférieure à la densité externe et les écarts de niveau peuvent atteindre alors plus de 6 centimètres pour 2 mètres d'amplitude.
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Erreurs dues aux courants au voisinage de l'orifice
Les mouvements de l'eau au voisinage de l'orifice (courants permanents ou de marée, vitesses orbitales de la houle ou des vagues) provoquent, par effet Venturi, des variations de pression indésirables qui agissent sur la cote du niveau intérieur du puits.
Cette dépression, créée à l'entrée de l'orifice, est maximale lorsque le plan de ce dernier est parallèle à l'écoulement en amont du puits, provoquant ainsi un abaissement du niveau inférieur qui peut atteindre près de 20 centimètres avec un courant amont de 1,5m/s ≈ 3 noeuds.
Les diverses courbes de cette figure montrent des améliorations de plus en plus judicieuses peuvent réduire l'erreur de mesure. En agissant sur la forme et la disposition de l'orifice dont les caractéristiques sont visibles sur les figurines, (voir graphique ci-dessus) il est ainsi possible de réduire de plus d'un ordre de grandeur l'erreur correspondante. La solution optimale pour un puits avec orifice (sans conduit) et représentée par la figurine et la courbe indexées par la lettre g.
Signalons aussi que les écarts de pression atmosphérique entre l'extérieur et l'intérieur de l'observatoire (où est implanté le puits de tranquillisation) peuvent se produire : dépressions créées par vents forts (effet Venturi autour de l'abri) ou surpression due au réchauffement de l'air interne si l'abri est trop étanche. Ces écarts induisent en général des erreurs de l'ordre du centimètre. A notre connaissance, aucune étude systématique de cette erreur n'a été réalisée.
Conclusion
Fort heureusement, tous les défauts signalés ci-dessus correspondent à des cas extrêmes. Ils sont généralement peu importants, voire négligeables pour les très forts marnages, dans les sites portuaires où les marégraphes sont protégé, tant de la houle que des courants et de l'envasement. S'il s'avère parfois que les écarts entre l'extérieur et l'intérieur du puits présentent un caractère systématique, ils sont généralement faibles. Il serait alors inopportun, sous prétexte de pallier ce défaut, de modifier une installation ayant fonctionné pendant des décennies, au risque de gêner l'observation de phénomène à longue période.
Celui-ci se traduit en fait par des écarts de hauteurs dont l'origine n'est pas fondamentalement différente de celle, par exemple, d'une dénivellation systématique qui peut exister entre l'intérieur et l'extérieur d'un port, d'une rade ou d'une baie.
Pour en savoir plus
Référence
- Simon B. (2007). La Marée - La marée océanique et côtière. Edition Institut océanographique, 434pp.
Dernière mise à jour de la page : 18/08/2012