Reconstruction et analyse des mesures de hauteurs d'eau dans l'estuaire de la Seudre - Bourcefranc-le-Chapus

Contexte et objectifs de l'étude

La reconstruction et l'analyse des mesures de hauteurs d'eau dans l'estuaire de la Seudre et notamment à Bourcefranc-le-Chapus s'inscrit dans le programme d'action de prévention des inondations : PAPI Seudre. Le territoire de la Seudre est soumis à deux types d'aléas : la submersion marine et l'inondation fluviale, ainsi qu'à la concomitance de ces derniers dans les secteurs sous influence fluviomaritime. La mesure des hauteurs d'eau revêt donc un enjeu fort pour ce littoral particulièrement exposé aux submersions marines. Le Shom intervient dans la phase de recherche, d'inventaire, de numérisation et de contrôle des mesures de hauteurs d'eau.

 

L'axe « Amélioration de la connaissance et de la conscience du risque » du PAPI Seudre fait l'objet d'une convention de partenariat entre le SMBS (Syndicat Mixte du bassin de la Seudre) et le Shom. Dans cet axe, le Shom est chargé de la numérisation et de l'exploitation des marégrammes situés dans dans la zone d'étude. Le Shom s'intéresse à valoriser les mesures de hauteurs d'eau conservées sur papier et d'autres données anciennes identifiées.

 

 

Ce travail permet de :

 

  • pérenniser toutes les mesures réalisées à Bourcefranc-le-Chapus
  • disposer de mesures du niveau marin cohérentes et de qualités
  • pouvoir étudier et caractériser son évolution
  • disposer des éléments nécessaire à l'étude des surcotes et des niveaux extrêmes.

 

Localisation

L'estuaire de la Seudre et la ville de Bourcefranc-le-Chapus se trouvent en Charente-Maritime, entre les fleuves Gironde et Charente (Figure 1). Protégé de l'océan Atlantique par l'île d'Oléron, le site d'étude baigne dans le Pertuis de Maumusson. 

 

Figure 1. Localisation de la zone d'étude (source géoportail).

Figure 1. Localisation de la zone d'étude (source géoportail).

Reconstruction de la série

Inventaire des mesures marégraphiques à Bourcefranc-le-Chapus

Plusieurs producteurs de données marégraphiques se sont succédés à Bourcefranc-le-Chapus. Les premières mesures de hauteurs d'eau réalisées de façon systématique grâce à un marégraphe mécanique datent de 1970 mais elles ne couvrent qu'une période relativement courte de quelques mois (Figure 2).

 

Figure 2. Localisation depuis 2011 (A) et ancienne (B) du marégraphe de Bourcefranc-le-Chapus (photographie aérienne : géoportail.gouv.fr).

Figure 2. Localisation depuis 2011 (A) et ancienne (B) du marégraphe de Bourcefranc-le-Chapus (photographie aérienne : géoportail.gouv.fr).

 

Selon toute vraisemblance, le marégraphe est installé de façon permanente au début des années 1980 à l'extrémité est de la digue nord du port du Chapus (localisation en figure 1-B). L'appareil alors utilisé est un marégraphe à flotteur opéré par le service hydrographique de la DDE dans le but de pouvoir planifier les opérations de dragage dans le secteur. A partir de 1990, du fait d'une restructuration des services, la gestion du marégraphe est transférée au Port de La Rochelle (division hydrographie) et ce jusqu'en 2005. A partir de cette année, le Service de Prévision des Crues (SPC 17, de la DDTM 17) devient propriétaire du marégraphe et responsable de sa bonne marche (changement des marégrammes, contrôles, …). Selon les souvenirs de la personne en charge du site de mesure à l'époque, le marégraphe à flotteur est toujours resté au même endroit, et n'a été délocalisé à sa position actuelle qu'en 2011, date à laquelle un marégraphe à pression a d'abord été installé à l'extrémité de l'ancien embarcadère désaffecté du Port de Bourcefranc-Le-Chapus (localisation en figure 1- A), avant d'être rapidement remplacé par un capteur radar. Depuis 2014 toutes les données collectées sont disponibles sur datashom.

 

Une des difficultés dans la reconstitution de l'historique de la mesure réside dans les différents changements d'organisation administratives qui se sont succédés dans le temps et au fait que l'intérêt scientifique de ces vieux documents (mesures où informations liées aux mesures) n'a pas toujours été pleinement perçu. Ainsi une partie du document a été perdue ou détruite.

 

Depuis le début du projet, plusieurs centres d'archives ont été prospectés dans le but de rechercher des documents en lien avec la mesure marégraphique à Bourcefranc-Le-Chapus : les archives du SHOM à Brest, les archives du SPC 17 à La Rochelle, les archives du Service historique de la Défense (SHD) de Rochefort, les archives départementales de Charente-Maritime à La Rochelle.

 

Figure 3. Exemples de documents en lien avec la mesure marégraphique à Bourcefranc-le-Chapus (source SPC17, SHD Rochefort et Archives Shom)

Figure 3. Exemples de documents en lien avec la mesure marégraphique à Bourcefranc-le-Chapus (source SPC17, SHD Rochefort et Archives Shom)

 

Synthèse des données disponibles

La majorité des données marégraphiques analogiques retrouvées pour Bourcefranc-Le-Chapus provient des archives du SPC 17 et du Shom (respectivement 345 marégrammes / 48 feuilles de contrôles et 371 marégrammes / 7 feuilles de contrôle). Sur l'ensemble de ces 771 documents, 345 marégrammes (ceux provenant des archives du SPC 17) et les 55 feuilles de contrôles ont été scannés. En plus de ces documents issus de mesures systématiques du niveau de la mer, des observations plus ponctuelles ont également été identifiées aux archives du Shom et du SHD de Rochefort. Elles correspondent aux mesures réalisées pendant quelques mois aux environs de Bourcefranc-Le-Chapus lors des campagnes hydrographiques du XIXème et XXème siècles. Une synthèse des documents inventoriés dans l'ensemble des centres d'archives visités à ce jour est disponible dans le Tableau 1.

 

Tableau 1: Synthèse des documents identifiés et traités dans le cadre de la reconstruction marégraphique de Bourcefranc-Le-Chapus. (N.D.: Non Déterminé; TSM: Temps Solaire Moyen; UTC: Temps universel coordonné; Heure légale: UTC + 1/ +2; la ligne grisée correspond à un site de moindre intérêt pour l'étude)

 

Tableau 1: Synthèse des documents identifiés et traités dans le cadre de la reconstruction marégraphique de Bourcefranc-Le-Chapus. (N.D.: Non Déterminé; TSM: Temps Solaire Moyen; UTC: Temps universel coordonné; Heure légale: UTC + 1/ +2; la ligne grisée correspond à un site de moindre intérêt pour l'étude)

 

Depuis 1971, ces marégrammes permettent de couvrir environ 6196 jours de mesure, ce qui permet d'avoir plus de 21 années de mesures (Figure 4). Si l'on fait exception des données les plus anciennes, une lacune importante de données existe entre 1972 et 1982. En l'état actuel des informations disponibles, il semble vraisemblable qu'elle soit due à l'inexistence de mesures pendant cette période. Par ailleurs, même s'il semble probable que des mesures aient été effectuées entre 2011 et 2014, aucune trace de ces dernières n'a été trouvée pour l'instant.

 

Figure 4. Vue par année du % de données disponible sous forme analogique des observations marégraphiques pour Bourcefranc-le-Chapus

Figure 4. Vue par année du % de données disponible sous forme analogique des observations marégraphiques pour Bourcefranc-le-Chapus

 

Le traitement des marégrammes et registres est décrit ici.

Validation de la série

A l'aide des métadonnées disponibles, le zéro de référence du marégraphe à Bourcefranc-le-Chapus a pu être reconstitué (Figure 5).

 

Schéma synthétisant les relations entre les différentes références verticales utilisées à Bourcefranc-Le-Chapus depuis le 19ème siècle. Les 0 des mesures sont rapportés au Nivellement Général de la France de l'époque : Bourdalouë, Lallemand et IGN69.

 

Figure 5: Schéma synthétisant les relations entre les différentes références verticales utilisées à Bourcefranc-Le-Chapus depuis le 19ème siècle. Les 0 des mesures sont rapportés au Nivellement Général de la France de l'époque : Bourdalouë, Lallemand et IGN69.

 

 

Après la mise en cohérence temporelle, le nettoyage et la correction des données, la série a été validée. Pour aller plus loin, une étude sur l'évolution des niveaux marins moyens a été réalisée (Figure 6).

 

Niveaux marins moyens à Bourcefranc-Le-Chapus  (Abréviations : NMj : Niveaux Moyens Journaliers ; NMm : Niveaux Moyens Mensuels ; NMa : Niveaux Moyens  Annuels)

 

Figure 6: Niveaux marins moyens à Bourcefranc-Le-Chapus. (Abréviations : NMj : Niveaux Moyens Journaliers ; NMm : Niveaux Moyens Mensuels ; NMa : Niveaux Moyens Annuels)

 

 

Les valeurs obtenues pour le 20ème et début 21ème siècle sont cohérentes avec celles observées sur d’autres sites à proximité. A titre d’exemple, pour le Pertuis d’Antioche, Saint-Nazaire et Brest, entre 1860 et 2010, les tendances sont respectivement de +1,38 ±0,07 mm/an, +1,03 ±0,05 mm/an et +1,32 ±0,07 mm/an (Ferret, 2016; Gouriou, 2012; Pouvreau, 2008).

 

Dans le but de vérifier la cohérence de l’ensemble de ces résultats, les niveaux moyens obtenus pour Bourcefranc-Le-Chapus sont comparés à ceux issus de l’analyse des séries de la Rochelle, de l’Ile d’Aix et de Port-Bloc stations situées à moins d’une cinquantaine de kilomètres de Bourcefranc-le Chapus sur la façade Atlantique (Figure 13). Visuellement il est déjà possible de noter la bonne corrélation de ces séries qui sont pour la plupart du temps caractérisées par des variations similaires et coïncidentes.

 

En comparant la série de Bourcefranc-le Chapus avec les trois autres sites à proximité, les coefficients de corrélation obtenus sont statistiquement significatifs pour les trois quarts des données : plus de 78% des indicateurs ont un coefficient supérieur à 0.85 entre Bourcefranc-Le-Chapus et l’île d’Aix contre plus de 86% entre Bourcefranc-le-Chapus et la Rochelle et 94% entre le Chapus et Port-Bloc. Sur le quart restant, 12%, 5% et 5% des mois présentent une mauvaise corrélation (<0.7) pour l’ile d’Aix, la Rochelle et Port-Bloc respectivement.

Pour la Rochelle, série présentant le plus d’enregistrements concordants avec Bourcefranc-le-Chapus, les périodes de mauvaise corrélation sont centrées :

  • sur la fin du 20ème siècle, lorsque le marégraphe était à sec lors des basses mers de vive-eau;
  • entre 2016 et 2019, car beaucoup d'anomalies ont été identifiées et supprimées dans la phrase de traitement. A partir de données brutes, SONEL a calculé des niveaux moyens qui semblent singuliers sur cette période. Des disfonctionnement d'appareils ont pu avoir lieu ce qui perturbe la mesure.

Dans l'ensemble, les résultats obtenus tendent à montrer une grande interdépendance entre les séries et permettent encore une fois de confirmer la bonne qualité sur la majeure partie de la série reconstruite de Bourcefranc-Le-Chapus.

 

Références