Projet de "Data Archaeology"
Au cours du temps les mesures se sont effectuées de manière discontinue mais à partir du milieu du 19e siècle, la mesure du niveau d’eau s’est opérée plus régulièrement et de manière continue, notamment grâce aux marégraphes. En France, de nombreuse séries historiques de mesure du niveau d’eau existent. Cependant, ces dernières sont, pour la plupart, encore sous forme de papier.
Le projet relatif à la reconstruction, validation et valorisation des données marégraphiques historiques, nommé « Data Archaeology », de Cherbourg a pour objectif de sauvegarder les observations passées du niveau d’eau et d’étudier les variations du niveau marin à plus ou moins long terme. Financé par la DGPR (Direction générale de prévention des risques) et le Shom, le projet, d'une durée initiale de 2 ans, a débuté le 25 mars 2024.
Ce travail est précurseur pour l’étude des changements climatiques ainsi que l’étude statistique des niveaux extrêmes de la mer. Le projet de reconstruction de la série historique des hauteurs d’eau observées à Cherbourg se décompose en cinq actions majeures (Figure 1):
Recherche et inventaire des données et des archives documentaires
Dématérialisation des données papiers
Digitalisation des données et vérification des référentiels
Contrôle Qualité
valorisation des résultats

Figure 1: Avancement du projet de reconstruction marégraphique au port de Cherbourg (Juillet 2025).
Afin de mener à bien la reconstruction de la série marégraphique, il est important de connaitre l’évolution du port ainsi que l’évolution des emplacements d’observatoires marégraphiques, leurs instruments de mesure et des zéros de références respectifs. Cette dernière notion est indispensable pour le contrôle qualité et la mise en cohérence des données marégraphiques numérisées.
Présentation générale
Contexte
La ville de Cherbourg-en-Cotentin se trouve à l'extrémité Nord du département de la Manche en Normandie. Elle l’une des trois sous-préfectures de la Manche. Sa topographie oscille entre 0 et 178 m et la superficie de la commune dépasse les 68 km². Sa grande digue construite au 19e siècle en fait la ville avec la plus grande rade artificielle d’Europe, et la deuxième au monde (Figure 2).

Figure 2: Vue aérienne du port de Cherbourg (photo: https://portsdenormandie.fr/fr/ports/port-de-cherbourg)
Présentation du port et évolution historique
Le port se compose d’une petite et d’une grande rade (Figure 3). Sa position est exceptionnelle, il est détaché du tronc continental et avancé dans la Manche, ce qui constituait une position considérable pour la défense et l’attaque des puissances maritimes voisines. C’est également un port de relâche puisqu’il permet aux navires de s’abriter lors de période de vents forts.
La grande rade est protégée par une grande digue qui se compose en trois parties, la digue de Querqueville (1200 m), la digue centrale ou digue du large (3750 m) et la digue de l’Est (1897 m). La passe à l’Ouest mesure 1100 m et est utilisée par les gros navire avec un tirant d’eau allant jusqu’à 12 m. La passe de l’Est quant à elle mesure 700 m, la profondeur y est plus faible (8 m). La rade artificielle mesure près de 1500 ha.
La petite rade dispose d’une partie commerciale, touristique et militaire. Elle mesure près de 375 ha avec une profondeur variant de 6 à 9 m et un mouillage sur la partie Est de 8 à 10 m sur 1300 m de quai. Elle est formée par la digue du Homet (1000 m) et la jetée des flamands. La partie Est regroupe des ports de plaisances, des activités halieutiques, commerciales, énergétiques ainsi que des zones réservées pour les Ferry et les croisières.
Figure 3: Cartographie et frise chronologique de l’évolution des aménagements du port.
Afin de protéger les rades et le port de Cherbourg, plusieurs forts ont été construits. Les premiers travaux ont commencé avec la chenalisation de l’avant-port avec la création de deux jetées en 1738, les forts ont été érigés entre 1779 et 1865.
La majorité des aménagements se sont produits autour de 1850 et au début du 20e siècle. Comme indiqué sur la frise la digue du large est une des premières à avoir été érigée. La grande rade est fonctionnelle depuis le milieu du 19e siècle. Pour la petite rade, il faudra attendre la construction des jetées du Homet et des flamands respectivement terminées en 1914 et 1927. Les digues permettant la fermeture quasi-complète de la grande rade ont été construite en 1895.
La morphologie du port a grandement changé, comme le montre la figure montrant l’évolution morphologique de la ville (Figure 4).

Figure 4: Cartographie de l’évolution de la morphologie du port entre 1700 et 2022.
Travaux en cours
Le Shom conserve, dans ses archives, des documents contenant des données complémentaires pouvant contenir des informations relatives aux marégraphes (Localisation, niveau de référence, caractéristiques…) Pour cela, des plans, des lettres de correspondance, des rapports, des graphes ont été étudiés afin de trouver ces informations.
Shom
Dans un premier temps, de nombreux documents disponibles dans les archives du Shom ont été photographiés, puis décrits dans un fichier de transcription. Lors de la recherche des données marégraphiques de 1920 à 1939 sous forme de registre de marée tous les 1/4h d’heure ont été identifiées. Ces données hétérogènes (en rouge sur la Figure 5) sont disponibles dans des documents sous la cote 7JJ , document qui contiennent de nombreuses informations sur les nivellements et les niveaux de référence au 20e siècle.
Archives externes
Afin de compléter la série marégraphique sur le port de Cherbourg, une mission dans les centres d’archives en dehors du Shom a été réalisée en octobre 2024. Plus d’informations sur cette missions sont disponibles ici : https://refmar.shom.fr/actualite/visite-dans-les-centres-darchives-de-la-manche. Trois centres d’archives ont été visité en Normandie, les archives départementales de Saint-Lô (AD50), le Service Historique de la Défense (SHD Cherbourg) et les archives municipales à Cherbourg (AM Cherbourg). De nombreux documents ont été identifiés : Plus de 40 ans de données marégraphiques (registres de Pleines Mers/Basses Mer(PM/BM)), ainsi que des données complémentaires facilitant le travail de reconstruction. Au total, plus de 500 documents ont été consultés, cela représente plus de 2200 photographies, soit plus de 18 Go d’images. Plus d’un tiers des documents photographiés présentent un intérêt pour la reconstruction. Les AD50 et le SHD Cherbourg ont été les plus pourvoyeurs d’informations utiles à la reconstruction. Alors qu’aux archives départementales de la Manche, beaucoup d’informations sur les nivellements et le zéros hydrographique ont été trouvée, au SHD Cherbourg des données de marée et plus particulièrement des registres de Pleines Mers/Basses Mer représentent la majorité des documents.

Figure 5: Résultats des données inventoriées en fonction des centres d'archives.
Grace aux nouvelles informations identifiées, il a été possible de redéfinir plus précisément la localisation des différents observatoires dans le temps : Trois emplacements semblent se distinguent, l’avant-port militaire, le bassin des subsistances et le port de commerce (qui concentre environ une quinzaine d’années). D’après les documents, les mesures sur la marée ont été opérées via des échelles graduées, des hydromètres ou des marégraphes. Leurs emplacements sont synthétisés ci-dessous (Figure 6) :

Figure 6: Emplacement des marégraphes dans la zone portuaire de Cherbourg.
Dans les documents archivés au Shom, des informations relatives au zéros hydrographique ainsi qu’aux différents repères sur les quais ont été identifiés.
La figure 6 montre les premiers travaux sur le raccordement des zéros historiques avec le zéro hydrographique actuel. Ce graphe est continuellement mis à jour. Le zéro hydrographique est actuellement à -3.285 m par rapport à ce zéro NGF (Nivellement général français). En 2005 il était à -3.329 m IGN69 ce qui correspond avec l’ancien zéro hydrographique situé à -2.676 m Bourdaloue et -3.70 m Lallemand (Figure 7).

Figure 7: Les différents repères de nivellements les zéros de référence.
Au milieu du 20e siècle, les observations ont été réalisées dans le bassin des subsistances en lisant la hauteur d’eau sur une échelle (Figure 8). Lors de cette période de nombreux nivellements de l’échelle de marée se sont succédé. Les résultats ont souvent été différents ce qui engendre la multiplication des corrections des données, lors de l’étape de validation.

Figure 8: Synthèse des zéros hydrographiques.
Au sein de ce projet de reconstruction, les plus anciennes données disponibles valorisables datent de 1819, un hiatus de données est visible de 1885 à 1915, sur la Figure 9. A l’été 2025, les premières données validées correspondent aux périodes 1832, 1847 – 1859 et 1920-1939. A noter que les données validées (vert foncé) sont issues du travail réalisé en amont du projet.

Figure 9: Visualisation des données validées et numérisées pour la série de Cherbourg.
Mise à jour 30/06/2025.
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